SLIPKNOT: We Are Not Your Kind (2019) Metal Moderne

Roadrunner Records

 

Que l'on aime ou que l'on déteste SLIPKNOT, personne ne peut nier aujourd'hui qu'il est depuis 20 ans le groupe qui a le plus marqué la scène Metal. Même si celui-ci avait réalisé un premier album, 'Mate. Feed. Kill. Repeat.' en 1996 dans l'indifférence générale ( pourtant considéré comme une démo et qui mériterait bien une attention particulière de nos jours tellement il est barré ), c'est bien en 1999 que le phénomène explose au grand jour, en même temps que le Neo-Metal, avec un album éponyme produit par Ross Robinson, connu à cette époque pour son travail avec Limp Bizkit, Sepultura & Korn. Il en ressort un album inclassable que l'on aura tôt fait de ranger dans le Nu-Metal, qui définissait déjà les bases d'un groupe à part, d'une bestialité sans nom avec ce mélange de sonorités industrielles, de riffs influencés par le Metal extrême, et surtout d'une sauvagerie viscérale emmené par un vocaliste d'exception, capable d'agresser l'auditeur avec un chant crasseux avant de le caresser dans le sens du poil avec un chant clair enchanteur, tout en empruntant au Hip-Hop ce phrasé qui était une des particularités de ce mouvement nouveau du Metal alternatif, le Neo-Metal...

Mais alors, comment expliquer ce succès phénoménal d'un groupe formé de 9 gusses, sorti du trou du cul de l'Amérique à Des Moines dans l'Iowa ? Leurs tenues de prisonniers dignes de Gantanamo ? Leurs masques faisant de SLIPKNOT une entité à laquelle pouvait se raccrocher la jeunesse de l'époque ? Des thèmes misanthropiques pointant du doigt une Amérique sale et élitiste ? Et si tout simplement, celui-ci était là au bon moment, comme c'est arrivé bien des fois auparavant dans le monde de la musique, proposant un concept novateur auquel pouvait se raccrocher une nouvelle génération de gamins ( ces 'Maggots' comme aimait les appeler Corey Taylor en Live ), sûrement au grand désespoir de leurs parents !

Nous voici donc 20 ans plus tard, la plupart des groupes qui ont inondé MTV et les ondes radio durant le nouveau millénaire ont quasiment tous disparu, mais n'est-ce pas la destinée des suiveurs ? Alors oui, comme tout le monde, le groupe a vieilli, il n'a plus en lui l'innocence des débuts, celle de "Spit It Out", ni la brutalité sonore qui caractérisait 'Iowa' en 2001. Il a connu des moments difficiles, comme la mort de Paul Gray en 2010, le départ de Joey Jordison en 2013 ou plus récemment le licenciement de Chris Fehn pour des histoires de pognon. On a eu droit en 2014 à un album de transition, '5: The Grey Chapter', dédicacé à la mémoire de son bassiste disparu, pas mauvais mais pas transcendant non plus, intronisant un nouveau batteur, Jay Weinberg ( fils de Max, batteur du E-Street Band de Bruce Springsteen ), qui avait la lourde tâche de passer derrière Jordison...

Comme un nouveau départ, 'We Are Not Your Kind', sixième album du Nœud Coulant, semble décidé à remettre les choses en place, apportant de nouvelles sonorités tout en gardant la sincérité et les racines de ses débuts. Certes, ces expérimentations ne plairont pas à tout le monde, mais montrent un groupe qui a encore envie d'aller de l'avant, quitte à se mettre à dos une partie de son auditoire. Si l'album débute comme on en a l'habitude par une intro bruitiste, c'est par le single sorti quelques semaines auparavant, "Unsainted" que les choses sérieuses commencent avec une chorale d'enfants avant que la cavalerie ne débarque avec notamment un Corey Taylor au top de sa forme, qui hurle, susurre sur les couplets pour mieux vous faire la cour sur le refrain, et une fois de plus ça marche du feu de Dieu !

"Birth Of The Cruel" lui se veut un morceau aux sonorités industrielles, froid avec une rythmique brutale et un chant des plus agressifs, qui devrait faire son effet dans le pit quand le groupe le jouera en concert. On passera vite fait sur le premier interlude de l'album, "Death Because Of Death", pour s'intéresser au rentre-dedans "Nero Forte" qui n'est pas sans nous rappeler l'énergie et le groove d'un "Psychosocial" auquel le groupe a rajouté une nouveauté, un refrain presque pop qui donne quelque chose de rafraîchissant, et qui certes ne plaira pas à tout le monde... Recette que l'on retrouve quelque peu sur le morceau suivant, "Critical Darling" ou Corey nous montre toute l'étendue de ses talents.

"A Liar's Funeral" est un morceau qui joue sur les ambiances, emportant l'auditeur dans des montagnes russes ou les guitares acoustiques et le chant tout en subtilité côtoie des riffs et une section rythmique en béton armé, amplifié par un chant des plus agressifs, une réussite indéniable. Je passerais vite fait sur "Red Flag", morceau efficace au rythme soutenu mais finalement assez commun.

Et là, à partir de "What's Next", seconde interlude de son état, on semble passer à une phase expérimentale avec le surprenant "Spiders", qui avec son intro inquiétante digne d'un slasher-movie, son solo déstructuré et ce chant clairement inspiré du Rock alternatif nous emmène sur des territoires auquel le groupe ne nous avait pas habitué jusque-là, et on redemande !

"Orphan" est un morceau qui prouve à tous ceux qui pensent que SLIPKNOT, c'était mieux avant, que celui-ci n'a rien perdu de sa rage, et qu'il aurait parfaitement gagné sa place sur les albums 'Slipknot' ou 'Iowa'... Et si on devait désigner le titre le plus bizarre de ce 'We Are Not Your Kind', nul doute que "My Pain" l'emporterait haut la main car SLIPKNOT nous emmène dans un univers musical ou les guitares n'existent pas, ou seuls les samples et autres effets synthétiques mènent la danse avec un chant murmuré qui semble nous proposer un voyage initiatique des plus perturbants !

On en termine avec "Not Long For This World" et "Solway Firth", 2 titres sensiblement différents, puisque le premier joue en grande partie sur les ambiances, entre passages atmosphériques et mélodiques, entrecoupé de gros riffs et chant hurlé, alors que le second joue sur l"efficacité que maîtrise si bien le groupe depuis un certain 'Vol.3: The Subliminal Verses', entre mélodies subtiles et violence sonore.

Alors que penser de 'We Are Not Your Kind' au final ? Dire que c'est un album réussi est un doux euphémisme, car on sent que SLIPKNOT a mis tout ce qu'il avait pour offrir le meilleur de lui-même, arrivant même à surprendre et à déstabiliser le fan qui le suit depuis si longtemps. Tour à tour torturé, sensible, transgressif voire perturbant, le groupe a voulu offrir un album unique dans sa carrière, qui fera sans nul doute date, alors que l'on n'en demandait pas tant. Mais en fait une seule question reste sans réponse: Qui se cache derrière le remplaçant de Chris Fehn, le fameux Tortilla Man ?

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