6 Juin 2011
Huit longues années qu'on l'attendait celui-là !
En règle générale, la férocité de la critique est proportionnelle à l'attente : les exemples sont nombreux chez les grosses pointures. Ces dernières années, Metallica ou Guns'n'Roses l'ont fortement vécu. Mais aujourd'hui, c'est le grand MORBID ANGEL qui est dans notre ligne de mire. Le retour du «messie» David Vincent au sein de la formation avait fait naître en leurs fans les plus hauts espoirs après le très dispensable ( pour être poli ) 'Heretic' en 2003. Ce retour annoncé et l'ère de Steve Tucker révolue, le groupe retrouvait son line-up légendaire et se voyait déjà dérouler par ses hordes de fans un grand tapis rouge. Toutes ces années, l'attente semblait interminable...rien ne filtrait et seul un simple nouveau titre nommé "Nevermore" avait été interprété en live. Rassurant par son style très classique, cette première offrande du travail en cours de composition n'en demeurait pas moins assez moyenne. A part ça, rien, sauf la nouvelle de l'absence de Pete Sandoval pour l'enregistrement de l'album, dû à des problèmes de dos. Le groupe reclus en studio; l'impatience atteignait son apogée. Plus tard, une date annoncée, on aperçoit le bout du tunnel. Le 6 juin 2011 nous pourrons nous repaître de leur nouvel album tant attendu. Nous sommes le 6 juin 2011 et pour tout vous avouer j'ai très mal au ventre. «Une déceptionnite aiguë», qu'il a dit le docteur. Bizarre, j'avais opté pour un empoisonnement au début; les vomissements et les sueurs froides en étant des symptômes. On a peut-être un peu raison tous les deux.
'Illud Divinum Insanus' passe mal. Est-ce que j'en attendais trop? Sans doute. Toutefois, le groupe a mis le paquet pour dégoûter ses fans. Par le passé ( mis à part pour 'Heretic' ) MORBID ANGEL a toujours eu cette intelligence qui consiste à chercher à se renouveler un minimum, voire à expérimenter, que ce soit par le biais d'instrumentaux aux sonorités diverses, d'ambiances variées ou autre. Ici le renouveau est caractérisé par un nivellement par le bas fulgurant.
Voyons voir chacun des titres :
1-'Omni Potens'
Intro kitschouille sur fond de synthés datés et d'un chœur de David Vincent en «Ho-Haaaaa» qui constituera la ligne directrice de l'album. Pas grand chose à attendre des intros en général si ce n'est de poser une ambiance...là je la cherche toujours. Pas terrible du tout pour une entrée en matière.
2-'Too Extreme'
Extrême, je ne sais pas. Surprenant, oui. Une espèce de mauvaise techno-hardcore avec quelques guitares distordues, un David Vincent qui pose son chant au rythme du beat...attendez un instant...je me suis trompé de cd? Aussi maladroit qu'ennuyeux ( et long, 6 minutes ), ce titre est tout bonnement foireux. Tim Yeung ( Hate Eternal, Divine Intervention, etc...nommé pour remplacer Pete Sandoval pour l'enregistrement ) a du adorer interpréter ce morceau en mode un bras/un pied; la caisse claire confisquée pour le brider au maximum et ne pas altérer le génie de cette composition ( pour ceux qui ne suivent pas, le «génie» est ironique ).
3-'Existo Vulgoré'
Ouf, on retombe sur un MORBID ANGEL bien plus familier et on en profite pour avoir enfin une idée de la production de l'album. Pas de tromperie sur la marchandise, c'est le groupe que l'on a quitté lors de 'Domination', au point même d'avoir une petite resucée de "Dawn Of The Angry". Le refrain est ressassé jusqu'à plus soif : «Vulgooooooooooore!!!». Le titre est correct mais banal.
4-'Blades For Baal'
Sans doute le meilleur titre de l'album, très rapide, avec un rythme sur le refrain lourd et frénétique à la fois. Pete Sandoval a sans doute été consulté pour la composition de la partie de batterie tant elle semble calquée sur celle du milieu de 'Chambers Of Dis'. Ajoutez à cela une partie lente pour poser entre autre le solo et vous obtenez un morceau équilibré et varié, de bonne facture.
5-'I am Morbid'
Une simili-foule qui scande «Morbid! Morbid! Morbid!» en guise d'introduction pour ce morceau, ça peut déjà sembler un peu prétentieux. Quand ensuite vous découvrez un morceau de rock mid-tempo pas inspiré pour un sou, avec des paroles puantes d'auto-suffisance, vous vous dîtes que ça en devient arrogant. Comme si MORBID ANGEL se devait de revendiquer une suprématie qu'il a déjà perdu et qu'il ne risque pas de reconquérir avec les quatre titres que l'on s'est gaufrés. Refrain énervant. I am Morbid...I am Stupid oui ! Une tâche.
6-'10 More Dead'
Titre assez groovy en mid-tempo plutôt réussi. On redécouvre enfin -même si très brièvement- ces petits harmoniques artificielles propres à Trey Azagthoth sur le refrain. Une chanson plutôt réussie de l'album.
7-'Destructos vs The Earth'
Hein? Destructos? Quoi? Mais qu'est ce que c'est que ça? Qu'est ce que c'est que cette histoire de robot qui vient annihiler toute vie sur Terre? On nage en plein délire, aussi bien musical que narratif. Quand Gwar met en scène leur némésis Techno-Destructo ( nom authentique ), au moins c'est comique et c'est ce qu'on attend d'eux. Venant de MORBID ANGEL c'est totalement hors de propos. Titre lent aux sonorités vaguement électroniques et aux guitares très graves mais aucunement imposantes; martialité à rapprocher des formations electro/indus...on est bien loin du death metal encore une fois. A la fin de ce pénible titre, un blanc de quelques secondes puis une déferlante de brutalité indus que je n'ose interpréter comme la traduction sonore de l'assaut ravageur de Destructos. Si c'est le cas, c'est franchement pitoyable. Si ça n'est pas le cas, c'est pitoyable aussi quand j'y pense...
8-'Nevermore'
Comme expliqué plus haut, titre moyen et pas très inspiré. Death traditionnel qui n'a pas du nécessiter de longs mois de travail.
9-'Beauty Meets Beast'
Morceau lent et insipide, dont le riff semble tiré des sessions de 'Heretic'. Le bon point du titre réside dans ses dernières secondes où l'on retrouve un solo de Trey Azagthoth qui correspond bien à ce que l'on attend de lui : un truc complètement perché et rapide.
10-'Radikult'
MORBID ANGEL qui fait du Marylin Manson, ça vous intéresse? Titre rock soutenu par un beat electro complètement cheap; il symbolise à lui tout seul le ratage du groupe lorsqu'il tente de sortir des sentiers battus. C'est tout sauf du M. A. : c'est mou, c'est chiant et c'est presque dansant. David Vincent a dû confondre son groupe et celui de sa femme ( Genitorturers ), je ne vois pas d'autre explication. Pour bien faire, en plus c'est long ( 7 minutes de calvaire ).
11-'Profundis – MeaCulpa'
Pour clôturer l'album, un autre titre aux sonorités fortement électroniques qui s'emballe tout de même bien plus que les précédents. Mais contrairement aux autres, ce dernier tire un peu mieux son épingle du jeu en proposant un mix original et des parties de guitares rapides et dissonantes. On sent davantage d'inspiration et qu'une idée était bien présente lors de la composition. Pollué par des «Ahoha», «Ho-ha» et autres chœurs de bien mauvais effet, "Profundis" avait toutefois du potentiel.
Synthétisons : MORBID ANGEL s'est planté pour la deuxième fois consécutive. 'Illud Divinum Insanus' est composé de deux types de morceaux : les morceaux «expérimentaux» ( entendez par là avec des beats un peu techno ) et les morceaux de «death-metal classique».
Dans la première catégorie, le groupe s'en sort très mal. Les sons sont datés, les compositions inintéressantes et longuettes. Dans la seconde, le groupe se repose sur ses lauriers et délivre des compositions très classiques sans beaucoup d'inspiration. J'ignore quelle est celle qui a provoqué mon intoxication, néanmoins je suppose que les deux étant avariées ça n'aurait jamais pu me faire du bien.
Alors OUI, la démarche est audacieuse :il faut avoir du cran pour proposer ça à ses fans et dérouter son monde. OUI, expérimenter c'est louable; mais innover c'est encore mieux. Les mecs du groupe ne sont-ils pas au courant qu'un certain groupe nommé The Berzerker ( qui a tout de même fait ses armes sur la compilation 'Hellspawn' en remixant du...Morbid Angel ) donne dans le registre Death/Grind sur des beats typiquement techno-hardcore ou gabber depuis plus de 10 ans maintenant ? Et accessoirement, qu'ils le font extrêmement bien ? Ils ne voulaient surement pas les plagier et c'est tout à leur honneur; mais à défaut ils auraient pu offrir des titres corrects.
OUI, équilibrer l'album avec des chansons dîtes «classiques» pouvait limiter la casse. Cependant, ce qui avait toujours constitué l'essence même de MORBID ANGEL; c'était cette espèce d'aura noire, malsaine et mystique qui apportait un cachet si particulier et inédit à l'univers du Death Metal. Aujourd'hui elle n'est plus, aucune ambiance ne ressort d'aucune composition : de façon bien plus importante il se dégage cette impression d'auto-satisfaction et de fierté exacerbée transcrites dans les paroles. MORBID ANGEL, en plus de faire un véritable flan, en a profité pour carrément perdre son identité. Je n'insisterai pas davantage sur les chœurs disséminés par-ci par-là dans l'album qui s'avèrent juste agaçants; ni sur l'insistance des refrains faits «pour chanter avec le groupe en concert». La production est bonne, même si le chant ( d'ailleurs très correct ) de David Vincent est un peu sur-mixé, tout comme la grosse caisse.
Hier, un ange morbide c'était une figure effrayante, noire et menaçante. Aujourd'hui c'est un chérubin peinturluré en noir avec des ailes déplumées. Suite au prochain épisode, s'il y en a un...